3 questions à …. Jérémy Griffon, architecte agence TRACKS

Jérémy Griffon, architecte agence TRACKS

En 2024, l’agence TRACKS a décidé de répondre à l’appel à concours pour la réalisation d’un musée sur la captivité de guerre. Retour sur les coulisses du travail de l’équipe lauréate.

Quelles ont été vos motivations ? Comment avez-vous travaillé sur ce projet ? La préparation a-t-elle induit une approche particulière ?

Notre démarche architecturale insiste, plus que sur le style, sur l’aspect narratif et contextuel du projet. A travers le projet du musée, il nous est donné l’occasion de bâtir un récit sur une thématique trop peu abordée jusqu’ici, à savoir la captivité de guerre. Ce sujet équivoque nous offre l’opportunité de créer un nouveau lieu de mémoire et de réflexion dans un site exceptionnel en entrée du bourg de Ravenoville.
En première approche, nous avons constitué une équipe de spécialistes pour créer une équipe de concepteurs sur mesure. Un travail itératif et continue se met en place avec des workshops hebdomadaires qui permettent de conforter nos idées respectives. La lecture approfondie du programme, le ressenti sur au moment du concours puis à plusieurs reprises, et nos recherches personnelles alimentent des discussions qui se traduisent petit à petit sur le papier pour enfin se transformer en une esquisse derrière laquelle chacun se reconnait.

Réaliser un musée est un vrai challenge tant sur le plan architectural que sur le plan scénographique : en quoi le fond et la forme sont « un » dans ce projet, selon vous ? Quel message l’architecture retenue cherche-t-elle à faire passer pour un thème aussi sérieux ?

Le futur projet, situé à proximité immédiate de l’ancien camp a la responsabilité de dialoguer spatialement et historiquement avec ce site porteur de mémoire. L’écriture de notre projet réside donc en partie dans le fait de trouver un équilibre harmonieux entre plusieurs approches :
Une approche mémorielle, en proposant une architecture subtile et symbolique évoquant le baraquement
Une approche culturelle, suggérant un projet identifiable, iconique et monolithique reposant sur un choix de matériaux biosourcés
Une approche vernaculaire, mettant en exergue le rapport à l’environnement naturel et au patrimoine local.

L’enjeu du parcours du musée de la captivité à Foucarville est complexe et nécessite de trouver la nuance nécessaire pour faire ressurgir la mémoire au-delà des tabous historiques. Le projet s’appuie sur les contextes de l’effacement de la mémoire et l’intérêt de sa réactivation afin d’apporter un regard incarné, scientifique et pédagogique sur l’Histoire des vaincus. L’architecture, dans sa capacité singulière à évoquer des histoires et des mémoires passées, revêt un pouvoir émotionnel profond. Ce dialogue ne vise pas à reconstituer ce qui a été perdu, mais à en explorer les échos : ne pas recréer mais plutôt suggérer.

Sur le plan architectural, vous privilégiez une approche écologique, en relation avec la thématique qui met en avant « l’économie du peu » : quelles discussions ont présidé à vos choix ? Quelles autres options aviez-vous envisagées initialement ?

Les enjeux climatiques actuels imposent de replacer l’acte de construire au sein d’un processus dynamique, dans lequel la vie d’un bâtiment débute bien avant la remise des clefs. La meilleure énergie étant celle que l’on ne consomme pas. Nous pensons en effet fondamental de tenir compte, dès l’origine du projet, de l’incidence des choix architecturaux sur son empreinte écologique globale. Cette posture implique de développer une réflexion d’ensemble sur les matériaux utilisés : leur provenance, leur mode de fabrication, leur mise en œuvre, et leur potentiel réemploi. Dès les premières phases de conception, nous avons privilégié une approche de sobriété et de réemploi qui fait écho à la construction des anciens camps. Il nous est apparu très naturel de s’appuyer sur une approche frugale du projet comme constituante essentielle avec la création de ce nouveau musée sur la captivité de guerre.

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