CLAP 003 ARRÊT SUR IMAGE

Un musée de la captivité : pour quoi dire ? 

Sujet sensible s’il en est, tant du côté allemand que du côté français, nous avons souhaité cet « arrêt sur image » pour prendre du recul, et répondre à cette question que beaucoup peuvent se poser. Fabien Théofilakis, à la tête du comité scientifique, résume ici trois portes d’entrée :

Un musée pour d’abord faire œuvre d’histoire

Avec le premier musée entièrement consacré à la captivité des soldats allemands, il s’agit de faire connaître une histoire méconnue alors qu’elle est au fondement du monde dans lequel nous vivons :

  • côté allemand, à travers quatre camps retenus, sont évoqués le sort de 11 millions de soldats vaincus en 1945 et, à travers eux, de celui de toute la société allemande post-défaite,
  • côté français et allié, en considérant les paradoxes d’une captivité de guerre en temps de paix, nous insistons sur l’utilisation de la main-d’œuvre captive à l’effort de reconstruction. Or, ce qui s’est passé en France, au Royaume-Uni ou en Pologne, tous les vainqueurs l’ont pratiqué en 1945 : en faisant relever les ruines par ceux qui les avaient détruites, ils ont fait du travail des prisonniers allemands une condition de la Reconstruction.

Mais pourquoi est-ce important de faire connaître cette histoire ? Et pourquoi maintenant ?

Un musée pour comprendre comment on sort de la guerre et on construit la paix

Certes, le sort des prisonniers de guerre allemands n’est qu’un des nombreux défis de l’après- Seconde Guerre, et sans doute pas l’un des plus pénibles. Pourtant, l’oubli dans lequel cette question est longtemps restée, renforcé par la honte de la défaite, a occulté un enjeu propre à cette histoire nécessairement double, celle du vaincu et du/de son vainqueur : les captifs allemands sont avant tout perçus, à la Libération, comme des soldats de Hitler. Leur captivité de masse prend dès lors une dimension fondamentalement politique qui engage l’avenir du continuent : comment éviter que le second après-guerre ne devienne, à l’image du premier après 1918, un nouvel avant-guerre ? Réussir là où l’Europe a échoué 27 ans plus tôt passe notamment par la « réorientation » (reeducation / Umziehung) de ces millions d’hommes qu’il ne faut pas seulement démobiliser militairement mais aussi culturellement en les amenant à délaisser l’idéologie nazie pour des idéaux démocratiques. 

Collection privée FT.

Un musée d’histoire en prise avec l’actualité : expliquer le passé par le présent et vice versa

La captivité est donc envisagée comme une histoire-carrefour dans le temps et l’espace. Si l’exposition permanente se concentre sur le traitement des vaincus de la Seconde Guerre mondiale – en adoptant néanmoins une perspective transnationale à quatre puissances victorieuses –, des sections seront consacrées à des comparaisons avec des conflits antérieurs comme postérieurs tandis que les expositions temporaires seront le lieu d’explorer des dimensions très contemporaines de la captivité. Alors que le tragique de l’histoire réintroduit la figure du captif sur le continent européen, le musée, à sa mesure, n’entend pas seulement expliquer le présent par le passé (d’où nous venons) mais aussi montrer combien le présent façonne notre compréhension du passé et les questions que nous lui posons.

En attendant de constater l’adhésion du public, l’intérêt témoigné par les centres d’archives contactés afin de créer des partenariats en vue de prêts d’archives pour illustrer le parcours permanent du musée ou préparer les futures expositions temporaires, nous laisse penser que bien des archives passionnantes somnolent dans les rayonnages et ne demandent qu’à être mises en lumière par cette approche ouverte, comparative et transnationale.

Parmi ces centres d’archives prestigieux, des institutions françaises comme le Service Historique de la Défense (SHD), l’Établissement de Communication et de Production Audiovisuelle de la Défense (ECPAD), ou encore les Archives départementales du Nord, mais également internationales telles que les Bundesarchiv, les Deutches Tagebucharchiv (DTA) ou le Comité international de la Croix-Rouge (CICR).

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